Chapitre 11 - L'horizon cosmologique

Depuis ce début du XXème siècle et les découvertes fabuleuses d'Edwin Hubble, les connaissances ont bien évoluées, mais je ne crois pas que le saut ait été aussi grand qu'avec la découverte des autres galaxies et de l'expansion de l'univers.

Une des grandes révolutions de ce XXème siècle aura bien sûr été la théorie de la relativité générale qu'Einstein a publiée en 1915. C'est donc totalement contemporain d'Hubble, mais certaines conséquences de cette théorie vont être découvertes bien plus tard. D'ailleurs, même au XXIème siècle, on n'a pas encore pu vérifier tous les effets prédits par la relativité générale. Il est malheureusement impossible de l'expliquer ici en détail, je peux juste dire qu'elle repose sur le fait fondamental que le temps est une dimension comme les trois autres. D'après Einstein, l'univers a donc quatre dimensions et il ne parle plus d'espace, mais d'espace-temps, car les quatre dimensions sont totalement liées et ont le même statut. Cette théorie remplace même la loi de la gravité universelle de Newton car elle est capable d'expliquer les quelques cas qui échappent à la loi de l'Anglais, comme l'orbite de Mercure. Mais nous sommes en train de sortir du sujet de ce travail, aussi allons nous nous arrêter ici avec les implications de la relativité.

Comme déjà annoncé à la fin du chapitre précédent, les galaxies ne sont pas réparties de manière totalement homogène. C'est Clyde Tombaugh, le même astronome qui a découvert Pluton en 1930, qui le prouvera en découvrant les amas de galaxies en 1937. Plus tard, on verra que ces amas sont eux aussi organisés en superamas. Pour se représenter cette structure, comparons notre galaxie à une maison. La Voie lactée et ses proches voisines qui forment ensemble le groupe local peuvent être comparées à un petit quartier d'habitation, avec quelques dizaines de maisons. Un amas serait alors la ville entière et un superamas une agglomération de plusieurs villes. La propriété de ces ensembles est que les galaxies qui les composent sont liées gravitationnellement.

Structure à grande échelle de l'univers Depuis les années 1980, on sait que cette structure de superamas n'est pas la plus grande. Les amas et les superamas se sont rassemblés en grumeaux, de plus en plus gros, jusqu'à former d'immenses filaments qui ressemblent à la structure d'une éponge ou à l'assemblage de bulles de savon. Cette structure est bien visible sur l'image ci-contre où chaque petit point rouge représente une galaxie entière. On ne sait par contre toujours pas la cause de cette disposition très structurée, même à très grande échelle. Les scientifiques pensent qu'il y a un lien avec la matière noire qui constitue près de 90% de l'univers. Mais ce ne sont là que des hypothèses car la question est loin d'être réglée, il s'agit en fait d'un des principaux sujets de recherche de ce début du XXIème siècle.

A la mort de Hubble, la théorie du big-bang était loin de faire l'unanimité. Le seul argument en sa faveur était la fuite des galaxies, d'autant plus rapide qu'elles sont lointaines. Dans les années 1960, un autre phénomène deviendra un argument de poids pour le big-bang qui est depuis une théorie largement acceptée. Ce phénomène est le rayonnement fossile. Sous cette appellation mystérieuse se cache un phénomène pas si abstrait que ça, puisqu'il s'agit d'un rayonnement radio quasi homogène qui vient de tout point de l'espace. Pour comprendre son origine, je suis obligé d'entrer un peu dans le détail de la théorie du big-bang. Juste après l'explosion, toute la matière était présente sous forme d'électrons, de protons et de neutrons. La chaleur était telle qu'aucun atome ne pouvait se former. Le problème est que dans cette soupe de particules chargées, les photons, ces grains élémentaires de lumière, ne pouvaient se déplacer librement. Ils ont perpétuellement été absorbés puis réémis. Il a fallu attendre que l'univers ait 300'000 ans pour que la température descende suffisamment pour permettre la formation des atomes qui sont eux neutres électriquement. Il en a résulté un flash de lumière extrêmement violent car les photons n'ont subitement plus été absorbés. Avec l'expansion de l'univers, la longueur d'onde de ces photons s'est allongée et ce rayonnement est aujourd'hui perceptible dans les fréquences radio. C'est cela que les astrophysiciens appellent le rayonnement fossile. C'est le plus lointain signal qui nous vient des profondeurs du cosmos.

Horizon cosmologique (rayonnement fossile) Depuis cette découverte, notre image de l'univers observable se présente comme un planétarium. Au premier plan, nous avons le Soleil et les autres planètes. Plus loin, les autres étoiles de la Voie lactée. Puis les autres galaxies qui s'éloignent inlassablement. Notre horizon est formé du rayonnement fossile qui ferme en quelque sorte notre champ de vision. On peut remarquer une certaine ressemblance avec le système d'Aristote et de Ptolémée que nous avons vu tout au début de notre périple à travers l'histoire de l'univers. Les différentes couches de l'image ressemblent à s'y méprendre aux sphères de cristal du modèle antique. Mais l'univers à quatre dimensions tel que nous l'a légué Einstein est beaucoup plus élégant. Que l'on soit sur Terre, dans une galaxie proche comme Andromède ou au fin fond de l'univers observable, le ciel a toujours la même allure: des galaxies à perte de vue avec comme horizon le rayonnement fossile. Il n'existe donc absolument pas de centre de l'univers, mais chacun est au centre de son univers observable. Car c'est bien la principale découverte de ces dernières décennies: nous n'observons qu'une petite bulle de l'Univers avec un grand U. Cette partie est appelée univers observable et a un rayon de d'environ 15 milliards d'années-lumière. Cette réflexion vire presque à la philosophie car aucun esprit rationnel ne peut aujourd'hui donner une dimension de l'univers, tel qu'il est dans sa totalité, dépassant de loin ce qui nous est donnée de voir. Selon certains chercheurs courageux, il pourrait y avoir plus de 10100 étoiles dans l'univers, ce qui est l'un des plus grands nombres que les physiciens n'aient jamais calculés.

Pour certains cosmologistes, tel que l'Américain d'origine russe Andreï Linde, notre univers dans sa totalité ne serait qu'un petite bulle perdue dans une immense mousse où chaque autre bulle serait un autre univers, avec peut-être d'autres lois physiques, d'autres constantes "universelles" et un nombre différent de dimensions. L'Univers avec un grand U serait alors l'ensemble de toutes les petites bulles. On peut certes reprocher à cette théorie d'être totalement gratuite dans la mesure où on ne pourra jamais avoir de preuves de l'existence des autres bulles. Mais on ne pourra dans ce cas pas non plus prouver qu'il n'existe pas d'autres bulles. D'après cette représentation, notre univers dans toute son ampleur et ses 10100 étoiles ne serait plus qu'un univers parmi beaucoup d'autres. Avec ces considérations qui peuvent carrément donner le vertige, nous sommes arrivés aux limites des connaissances actuelles. A partir de ce point, nous quittons le monde de la science et entrons de plein pied dans celui de la philosophie.

Chapitre précédent Retour au sommaire Chapitre suivant